Votre ado de 12 ans refuse désormais d’aller chez son père lors des week-ends ou vacances prévus.
Faut-il l’écouter ? Le forcer ? Modifier le mode de garde ? Beaucoup de parents se retrouvent désemparés face à ce type de situation, souvent chargée d’émotion, de tensions familiales… et d’incertitudes juridiques.
Entre la volonté de préserver le lien familial, le respect des décisions de justice, et l’écoute de la parole de l’enfant qui grandit, il n’est pas toujours simple de savoir comment réagir.
Nous faisons le point sur ce que dit la loi, les droits et devoirs de chacun et les solutions à envisager lorsque le refus d’un enfant perturbe l’organisation de la garde.

Un refus qui questionne : comprendre la parole de l’enfant
Un comportement à écouter, sans paniquer
Lorsque votre enfant vous dit qu’il ne veut plus aller chez son autre parent, il est naturel de s’inquiéter. Mais avant de tirer des conclusions, il est essentiel d’accueillir cette parole avec calme.
Ce refus peut traduire de nombreuses choses : une tension passagère, un mal-être plus profond, un besoin de s’exprimer, voire une tentative de prise de contrôle dans une situation qui le dépasse.
Il ne s’agit ni de nier ce qu’il ressent, ni de céder à la panique. L’enjeu est de comprendre, en douceur, ce qui se joue réellement. Parfois, un simple désaccord ou une frustration ponctuelle peut prendre des proportions importantes dans l’imaginaire de l’enfant.
Si vous êtes dans l’agglomération de Besançon, votre enfant peut être écouté par des professionnels à la Maison des Adolescents.

L’âge de l’enfant compte-t-il légalement ?
En France, la loi ne fixe pas d’âge précis à partir duquel un enfant peut « choisir » de ne plus aller chez un parent.
Cependant, le juge aux affaires familiales (JAF) peut tenir compte de la maturité et de l’avis de l’enfant, à partir de 10–12 ans environ, dans le cadre d’une demande d’aménagement des modalités de garde.
L’article 388-1 du Code civil prévoit que tout mineur capable de discernement peut être entendu par le juge, à sa demande ou à celle des parents.
Mais cette parole, aussi importante soit-elle, n’est pas seule décisionnaire : le juge statue toujours en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Signes de mal-être ou de conflit de loyauté
Le refus d’aller chez un parent peut aussi être le symptôme d’un mal-être plus profond : ambiance conflictuelle, tensions dans la fratrie ou le foyer recomposé, sentiment d’abandon, ou au contraire, pression exercée (inconsciemment ou non) par l’autre parent.
Ce qu’on appelle le conflit de loyauté est fréquent chez les enfants du divorce : l’enfant peut avoir l’impression de devoir choisir un camp, ou de trahir l’un de ses parents s’il passe du temps avec l’autre.
Dans ces cas, il est souvent utile de faire appel à un médiateur familial ou à un psychologue spécialisé pour restaurer un climat de confiance et aider l’enfant à s’exprimer en sécurité.

Ce que dit la loi sur le droit de visite et d’hébergement
Les décisions de justice doivent être respectées
Lorsque la résidence de l’enfant et les modalités de garde ont été fixées par un jugement (divorce ou séparation), elles ont force obligatoire. Cela signifie que le parent chez qui l’enfant réside ne peut pas unilatéralement décider de suspendre les droits de l’autre parent, même si l’enfant refuse d’y aller.
Refuser l’exécution d’un droit de visite ou d’hébergement peut être considéré comme une non-représentation d’enfant, une infraction pénale punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende (article 227-5 du Code pénal).
Autrement dit, même face au refus de l’enfant, le parent hébergeant reste tenu d’organiser les modalités prévues. Cela ne signifie pas qu’il faut forcer physiquement l’enfant, mais qu’il doit tout mettre en œuvre pour respecter les décisions de justice.
Le rôle du juge aux affaires familiales
Si la situation devient conflictuelle ou que le refus de l’enfant perdure, il est possible de saisir le juge aux affaires familiales (JAF) pour demander une modification du droit de visite, voire une suspension temporaire. C’est également devant ce juge que peut être organisée l’audition de l’enfant.
À noter : un enfant peut demander lui-même à être entendu, même sans l’accord de ses parents, à condition d’être en âge de discernement. Le juge évaluera alors si cette audition est utile à sa décision.
En parallèle, le juge peut ordonner des mesures d’enquête sociale ou des expertises psychologiques, pour mieux comprendre les enjeux affectifs et relationnels autour du refus.
La médiation familiale comme solution apaisée
Avant d’envisager un recours judiciaire, il peut être utile de recourir à la médiation familiale, un espace neutre et confidentiel où chacun peut s’exprimer, y compris l’adolescent.
Les services de médiation familiale sont souvent proposés par les UDAF, CAF, ou associations locales. Un juge peut également en ordonner dans le cadre d’un contentieux familial.
Ce type de démarche peut parfois débloquer une situation tendue, restaurer le dialogue entre les parents et apaiser les craintes ou malentendus de l’enfant.
Quand et comment faire évoluer les modalités de garde ?
Le refus de l’enfant peut justifier une révision
vec l’âge, les besoins et souhaits de l’enfant évoluent. Si un refus persistant s’installe (malgré les tentatives de dialogue, de médiation, ou de soutien psychologique), cela peut être le signe qu’il faut revoir les modalités de garde. En particulier si ce refus s’accompagne de troubles du comportement, d’un mal-être, ou d’un contexte familial dégradé.
Attention : le refus seul ne suffit pas juridiquement : il faut démontrer que l’intérêt de l’enfant justifie une modification du jugement existant.
Saisir le juge aux affaires familiales (JAF)
La procédure de modification se fait via une requête auprès du JAF, généralement accompagnée d’un avocat. Il est important de constituer un dossier solide : attestations, comptes rendus de rendez-vous médicaux ou psychologiques, éléments sur les conditions de vie chez l’autre parent, etc.
Le juge pourra ordonner :
- Une audition de l’enfant s’il est en âge de discernement (souvent dès 10–12 ans) ;
- Une enquête sociale ou une expertise ;
- Une médiation familiale avant de statuer.
La décision peut aboutir à :
- Un changement de résidence principale,
- Un aménagement du droit de visite (moins fréquent, progressif, ou encadré),
- Ou le maintien des modalités si l’intérêt de l’enfant ne le justifie pas.
Et si les parents sont d’accord pour changer ?
Si les deux parents s’entendent pour modifier la garde, ils peuvent signer une convention parentale à homologuer par le JAF ou saisir ensemble le juge pour faire acter un nouvel accord.
Cette voie amiable est souvent plus rapide et moins conflictuelle. L’homologation par le juge est importante pour rendre l’accord exécutoire, c’est-à-dire officiellement applicable.
Protéger l’enfant sans l’instrumentaliser
Quand un enfant exprime le refus d’aller chez un parent, il est naturel pour l’autre de vouloir le protéger. Mais il est parfois difficile de faire la part entre ce qui relève d’un besoin réel de sécurité et ce qui peut être le reflet d’un conflit de loyauté, d’une séparation mal vécue ou d’une tension entre les parents.

Écouter sans orienter : un équilibre délicat
Face à un refus de visite ou de garde, la première étape est d’écouter l’enfant, sans jugement ni pression. Mais il faut également veiller à ne pas l’encourager indirectement dans un rejet systématique, surtout si la situation est encore empreinte de rancœur entre les adultes.
Les enfants perçoivent vite les émotions de leurs parents. Ils peuvent prendre parti pour soulager un parent, ou exprimer une angoisse qui ne concerne pas directement l’autre parent.
L’enjeu est de leur offrir un espace d’expression, sans les faire porter la charge de décisions d’adultes.
À Besançon, il ou elle peut se rendre à la Maison des Adolescents pour être écouté par des professionnels.
Repérer les situations à risque
Parfois, le refus de l’enfant est le signal d’un mal-être plus profond : un environnement instable, des violences verbales ou physiques ou un sentiment d’insécurité chez l’autre parent.
Dans ces cas-là, il ne s’agit plus d’un simple rejet passager, mais d’un signal d’alerte à prendre au sérieux.
Dans ces situations, il est essentiel de :
- Recueillir des éléments concrets (témoignages, certificats, observations d’un professionnel),
- Ne pas faire justice soi-même,
- Demander l’avis d’un avocat ou d’un travailleur social, et saisir le juge si nécessaire.
L’importance d’un accompagnement extérieur
Quand les tensions sont fortes, faire appel à un tiers neutre (médiateur familial, psychologue, avocat) peut permettre de : sortir de la confrontation, mieux comprendre ce que vit l’enfant et trouver des solutions équilibrées.
Un accompagnement juridique peut aussi rassurer le parent inquiet, en posant un cadre clair et en l’aidant à éviter les erreurs qui pourraient lui être reprochées (refus de présenter l’enfant, dénigrement, etc.).
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